Pourquoi il faut voir HUMAN

HUMAN

copyright : Humankind Production

Tous ces hommes, ces femmes, ces enfants en gros plan fixe… Quand ils ont commencé à me parler, j’ai été frappée de constater à quel point mon visage reproduisait leurs expressions, à la mimique près. Ils souriaient ? Je leur souriais en retour. Ils pleuraient ? Chutes du Niagara le long de mes joues. Ils éclataient de rire? Je gloussais. Ils criaient ? Froncements de sourcils, mâchoire serrée.

On connaît tous ce proverbe: « les yeux sont le miroir de l’âme ». Eh bien c’est ça, HUMAN, c’est une plongée dans l’âme humaine.

Le hashtag qu’on retrouve sur toutes les affiches de cet ovni cinématographique, c’est #WhatMakesUsHuman. J’avais ma réponse en sortant du film : ce qu’on partage tous, ce qui nous lie, ce sont les émotions. Je me trompe peut-être, mais il me semble que la violence, le « mal », n’est possible que parce que l’humain est capable, à certains moments, de se fermer totalement aux émotions de l’Autre. A l’inverse, l’empathie crée un cercle vertueux.

Il faut aller voir HUMAN parce que quand on regarde, écoute et lit les infos, c’est l’intellect qui reste maître du jeu. Bien sûr, il est nécessaire de réfléchir, d’analyser pour appréhender la complexité du monde. Mais ce sont les émotions qui nous reconnectent à notre humanité et à celle des autres, ce sont elles qui nous poussent à agir, et, ce faisant, à changer le monde.

J’ai lu quelques critiques du film.

Yann Arthus-Bertrand donne une nouvelle preuve de sa mégalomanie ? Je ne sais pas s’il est mégalomaniaque, et sincèrement, je m’en contrefiche.

Son film évacue la complexité du monde ? Voir plus haut.

Il manque de structure, ça part dans tous les sens ? Bah un peu comme la vie quoi. Et puis il y a des thématiques récurrentes qu’on repère très vite, ça me suffit largement comme structure.

HUMAN est culpabilisant ? Ah oui, c’est sûr que regarder en face le monde tel que chacun d’entre nous le construit n’aide pas forcément à dormir du sommeil de l’innocent.

Le réalisateur de Home fricote avec les « méchants » qu’ont des sous (La Fondation Bettencourt Schueller) ? Ca fait autant de sous en moins pour les pubs « parce que vous valez moins » non ?

Les « jamais contents » me fatiguent. Quand je regarde le monde tel qu’il va, je me dis que tout ce qui est bon est bon à prendre. De la même façon que je crois à l’effet papillon, je crois qu’une pensée peut changer le monde, qu’une parole peut changer le monde. Pourquoi un film ne pourrait-il pas avoir le même effet ?

En tout cas ce film-là  a déjà changé mon amie Anastasia qui est de l’aventure HUMAN depuis trois ans et dont je suis hyper admirative et fière.

Pour lire son interview, ça se passe ici.

Pour regarder les témoignages en ligne et aller plus loin, c’est par là.

Pour connaître le programme de la semaine HUMAN sur France Télévisions, c’est par ici.

Faire partie de l’aventure HUMAN

Anastasia Mikova a 33 ans. Elle a voyagé dans 24 pays pour recueillir plus de 600 interviews sur trois ans, notamment en Afrique (Burkina, Sénégal, Afrique du Sud, Namibie, Tunisie…), en Asie (Cambodge, Birmanie, Bangladesh, Inde…) mais aussi en Australie, en Russie, au Kazakhstan…

Comment as-tu pu réaliser autant d’interviews ?

Anastasia et Dimitri copyright : Humankind Production

Anastasia et Dimitri
copyright : Humankind Production

Nous partions entre deux et trois semaines par pays, et réalisions 20 à 40 interviews. C’était intense ! Quand on réussissait à en garder deux, trois, maximum quatre pour chaque pays on était contents. Le film projeté dans les salles de cinéma comporte 120 interviews, il y en beaucoup plus sur la plateforme Google dédiée. C’était un crève-cœur de ne pas garder tout ce matériau, c’est pourquoi on a décliné HUMAN sur plusieurs films : on y trouve des interviews approfondies, d’autres qui sont inédites…

Comment avez-vous réussi, malgré tout, à faire un sélection ?

Nous cherchions des gens susceptibles d’incarner une situation, un combat, un état d’esprit… Pendant les interviews, il y avait des moments où on ne comprenait pas ce que disait la personne qu’on avait en face de nous parce que le traducteur n’avait pas encore fait son travail. Mais il se dégageait d’elle quelque chose de tellement fort – de la joie, de la rage, de la tristesse… – qu’on était bouleversés. On savait alors que c’était un moment qui allait rester gravé dans nos souvenirs et sur la pellicule. On transmettait nos sélections à Yann Arths-Bertrand, il lui est arrivé de m’appeler en pleine nuit, de l’autre bout du monde, complètement bouleversé lui aussi. C’est quelqu’un qui fonctionne à l’émotion. On lui reproche de faire dans les bons sentiments, d’exploiter la misère du monde, je peux taffirmer que c’est complètement faux.

L’émotion… C’est pour moi le cœur du film…

C’est bien ça ! On voulait toucher les gens, mais en s’adressant à leurs tripes plutôt qu’à leur cerveau. Etre les yeux dans les yeux avec une personne, plonger dans son intimité, ça pousse forcément à se mettre à sa place l’espace d’un instant. C’est la magie de l’effet miroir. On ne peut pas tricher avec ça, dire « et alors ? ». A moins d’avoir déjà sombré dans le cynisme.

Est-ce que HUMAN est un film qui veut changer le monde ?

En quelque sorte oui ! Yann veut inciter les gens à agir, d’une façon ou d’une autre. Mais si on réussit à faire réfléchir les gens sur eux-mêmes, sur le sens de leur propre vie ce sera déjà énorme. On nous reproche de ne pas proposer de solutions. Mais ce n’est pas notre rôle ! Et il y a autant de solutions que d’être humains sur cette planète : pour l’un ça sera un engagement politique, pour l’autre un engagement associatif, pour un autre encore une façon différente de consommer…

Et toi, as-tu changé  ?

Sans aucun doute. En tant que journaliste, j’avais déjà ce besoin de témoigner : j’ai fait des sujets sur les mères porteuses, sur l’immigration… Mais ça ne m’empêchait pas de vivre ma vie. Avec HUMAN par moments, c’était compliqué de revenir chez moi, de retrouver ma vie confortable et paisible. Combien de fois ai-je fondu en larmes pendant les interviews ! Ce n’était pas « pro » du tout ! On a tous partagé des choses très fortes avec ces gens. Quand l’un d’entre eux, un jeune Malien avec lequel nous nous étions particulièrement liés en Sicile, m’a appelé en me disant qu’il était arrivé à Paris et qu’il ne savait pas quoi faire, je ne pouvais pas l’ignorer, c’était devenu impossible. On lui a trouvé un toit puis, avec l’équipe, on a cherché pendant des semaines une solution pour l’aider à voler de ses propres ailes. Et on a fini par y arriver! Depuis HUMAN je réfléchis beaucoup plus à ma façon de vivre. Témoigner c’est bien, c’ est mon travail de journaliste, mais ça ne me suffit plus. Je dois faire plus, en tant qu’être humain. Je ne sais pas encore quoi, ni comment, mais je cherche.