Chère Camille…

La fusion amoureuse est-elle un obstacle à l’accomplissement d’une femme, à sa réalisation ? Le destin de chacun d’entre nous est-il tout tracé ? Et si, à tel ou tel moment de notre vie, nous avions écouté cette petite voix qui nous enjoignait de prendre un autre chemin que celui sur lequel nous nous engagions, notre vie aurait-elle changé ? Aurions-nous été plus heureux/ses ? Ce sont toutes ces questions que pose Camille, Camille, Camille, une pièce de Sophie Jabès que j’ai eu la chance d’aller voir la semaine dernière au Lucernaire.

Pourquoi trois fois Camille ? Parce qu’on retrouve sur la même scène Camille Claudel à trois âges différents. Quand, jeune fille, elle se demande si elle doit céder aux avances de Rodin. Quand, dans la fleur de l’âge, elle sombre dans des délires psychotiques et obsessionnels. Et enfin, quand,  au seuil de la mort, elle attend encore qu’on la libère de l’asile où elle est enfermée depuis 30 ans.

Les trois Camille prennent la parole les unes après les autres puis finissent par se rencontrer, se parler. La vieille Camille, celle qui « sait », tente de sauver ses deux incarnations passées mais on sait bien, nous, que c’est en pure perte, et les dialogues n’en sont que plus déchirants. Les voix des trois Camille se mêlent, et nous voilà plongés au cœur de la folie de la grande sculptrice. Le tout est brillamment interprété par trois fantastiques comédiennes, et si la mise en scène semble par moments répétitive (les deux jeunes Camille semblent s’habiller, se déshabiller, et se rhabiller sans fin), on peut dire à la décharge de Marie Montegani, la metteuse en scène, que ces redondances nous enferment finalement assez logiquement dans l’univers étouffant des prisons de Camille : sa prison mentale, dans laquelle elle tourne en rond jusqu’à devenir folle, et l’asile où elle est internée.

Courez donc voir Camille, Camille, Camille, dont c’est la dernière semaine de représentation au Lucernaire. Pour soutenir une belle pièce, pour rendre hommage à une artiste hors du commun et pour célébrer, par cette plongée du côté obscur de la force, votre propre liberté.

Au Lucernaire jusqu’au samedi 22 novembre, à 18h30

Au Théâtre 95 à Cergy Pontoise les 4 et 5 décembre à 15h30.