You talking to ME?

Hier, c’était la journée mondiale pour l’élimination des violences faites aux femmes. Encore une journée à la noix ? Ben disons que quand on sait que dans le monde, une femme sur cinq sera victime de viol ou de tentative de viol au moins une fois dans sa vie, ou encore qu’une femme meurt de violences familiales tous les deux jours et demi, on se dit, ouais, y’a encore du taf.

J’ai de la chance, je n’ai pratiquement jamais peur dans la rue. Je ne sais pas d’où ça vient, mais j’ai instinctivement développé les bons réflexes, ceux qui font qu’on ne m’emmerde pas. On me dit bonjour, je salue  en retour, et je trace. On m’interpelle, « Ouaich princesse ? », je souris et je trace. On insiste ? « Hé madmoiselle, tu voudrais pas qu’on aille boire un café ensemble ? », je décline poliment, invoquant un nécessaire retour à la maison « auprès de mon mari et mon fils », et je trace. Ca calme, direct. Fait étrange, on ne me dit jamais « t’es bonne », mais « vous êtes charmante ». C’est vexant, mais je remercie tout de même, et je trace.

Cover of "Grindhouse Presents, Death Proo...

Bon, c’est vrai, quand je rentre de teuf tard le soir, ou tôt le matin, que je suis seule dans la rue, que je passe par un quartier chaud ou à côté d’un groupe de mecs bourrés, je suis pas hyper rassurée. Là il faudrait écrire «je fais pas la fière», mais si justement, je fais la fière. Je me redresse, le regard droit, et j’avance d’un pas décidé. Avec mon corps, je dis «j’ai pas peur». Parfois, même, mes poings et ma mâchoire serrés marmonnent «Putain les gars, zavez pas intérêt à me péter les couilles». Quand je un peu paf, il m’arrive même de me faire un petit Actors Studio dans ma tête, en mode «YOU TALKIN TO ME ?!?». Mais le mieux, c’est encore quand j’ai ça dans les oreilles. Une meuf d’1,74 m, 64 kg, qui avance l’air véner tout en chantant – faux – du NTM avec une grosse voix, et en faisant popopopop avec ses mains, ben, j’vous jure, on la fait pas chier.

Mais il y a eu deux fois où j’ai pas réussi à faire la fière. La première fois, je devais avoir autour de 20 ans, un type m’a mis la main au cul. Du genre bien empaumée, vous voyez. En pleine rue, en plein jour. Le temps de l’information remonte de mon cul à mon cerveau, et que mon cerveau réussisse à l’analyser, le mec était trop loin pour que je lui éclate les bourses. J’ai juste réussi à hurler insanités d’une voix suraiguë, c’était pitoyable. J’étais rouge de honte, de colère, j’ai eu la haine pendant des heures. Une haine accompagnée de dégoût, pour mes fesses qui avaient attiré la main de cette raclure de bidet, pour cet infâme libidineux, et pour ces obsédés de mecs en général. Voilà à quel type de généralisation débile peut mener un geste déplacé.

La deuxième fois, je rentrais dans mon appart de célibataire, dans une grande tour du 13e arrondissement. Il devait être minuit et demie, pas grand monde avenue d’Italie. Un mec me complimente, je remercie et je trace, vous connaissez la rengaine. Le gars insiste, je lui dit que NON, je ne suis pas intéressée. Il se met à me suivre. Là, je balise. En fait, j’ai senti très nettement que mon cerveau s’embrouiller. J’étais tout près de chez moi, mais je ne pouvais pas entrer : je ne voulais pas qu’il sache où j’habitais. J’ai supplié mes neurones de m’aider, elles ont eu pitié et m’ont conseillé d’emprunter le passage sous la tour, pour entrer par la porte secondaire, sur une autre avenue. J’ai couru, agité frénétiquement mon badge magnétique devant la porte – on aurait dit une ado hystérique dans Scream, je me suis précipitée dans le hall d’entrée et sans même avoir le courage de vérifier si le type m’avait suivi ou pas, j’ai bondi dans l’ascenseur. En ouvrant la porte de mon appart je me demandais toujours si le gars n’allait pas surgir du deuxième ascenseur (Merci Scream). Bref, j’ai échappé de peu à une belle crise cardiaque, et j’ai eu un peu de mal à m’endormir, ce soir-là…

Depuis, je me sens un peu plus concernée quand on parle de violences faites aux femmes. Voilà entre autres pourquoi je suis allée assister hier, au  «stage d’autodéfense verbale» organisé par le Pôle Egalité Femmes-Hommes de l’université Paris Diderot. Là, deux instructeurs et une instructrice de l’asso « Operationnal Defense System », qui animent régulièrement des cours d’autodéfense dédiés aux femmes, nous ont donné des clés de compréhension (les mécanismes de l’insulte, le cadre législatif…) et surtout, des outils à retenir et des réflexes à acquérir: marcher d’un pas décidé, la tête haute, se tenir droite.  Dans le métro ou le RER, si on est seule le soir, se rapprocher des caméras ou de la tête de train, près du conducteur. Ne pas se laisser atteindre émotionnellement par l’insulte. Gérer son stress pour éviter d’émettre tout signal corporel trahissant la peur. Toujours garder une distance de sécurité. Ne pas baisser la tête ni les yeux en cas de contact visuel mais détourner le regard, horizontalement. Commence à faire du barouf si le gars ne lâche pas l’affaire, etc. etc.

Après le cours théorique, on a eu droit aux TP, on s’est bien marrés tout en apprenant des tas de trucs. Du coup, c’est décidé, je vais tenter le LSD. 30 euros pour 3 heures de cours, 30 euros pour gagner en assurance et apprendre à faire un bon kick en cas de besoin, je prends !

Vous en voulez encore ?

  • Le lien vers le site de Ladies System Defense
  • Une chouette animation réalisée par mon pote Gautam
  • Un court métrage bien prenant qui se passe de sous-titres (à quand les cours de Self Defense gratuits et obligatoire en Inde, en Egypte et dans tous ces pays où la femme s’en prend plein la tronche ?)
  • Le projet crocodiles, ou la violence des  rapports hommes-femmes au quotidien en BD

Et vous les filles, vous avez déjà subi des violences verbales, ou physiques? Les garçons, vous avez déjà dû intervenir pour protéger votre chérie ou une inconnue? Vous avez des astuces anti-relous? Partagez!

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