De l’usage de la xylolalie chez les jeunes parents

Tu es jeune et fringant, tu es fraîche et ferme. Voilà maintenant un moment que vous partagez le même tube de dentifrice, que vous vous engueulez à propos de chaussettes qui traînent et de vaisselle pas faite. Que vous échangez mots doux et fluides corporels. Que les plaisirs sont moins solitaires et les lendemains de fête moins déprimants. La vie vous est douce. Un peu trop peut-être… Parce que toute cette douceur, cette liberté, qu’est-ce qu’on en fait au bout du compte, hein ? Tous ces après-midi au ciné ou au musée, ces restaurants en tête-à-tête, ces vacances au bout du monde, ces soirées déglinguées… Qu’en reste-t-il? Une drôle d’impression de vide, une vague mélancolie, une interrogation existentielle : « Et maintenant ? ». Vous vous l’êtes posée souvent, cette question, vous en avez discuté et puis vous vous êtes dit : « Allez, chiche, on fait un petit, c’est ça qui donne un sens à la vie ! ». Vous avez submergé de questions ceux qui ont fait le grand saut, vous les avez observés, eux et leur progéniture…Vous vous sentez prêts, vous avez l’impression de savoir plus ou moins où vous mettez les pieds.

FAUX ! You know nothing, John Snow…

Je vais vous dire un truc : le monde des jeunes parents c’est une autre dimension. Un monde parallèle. Ces gens-là vivent à côté de vous, vous pensez pourvoir leur faire confiance, grave erreur ! Parce que – retenez bien ça – 8 fois sur 10, quand ils vous racontent ce qu’ils vivent, ils usent de figures de style destinées à brouiller votre radar à emmerdes, comme l’ellipse ou l’euphémisme

Résultat : Vous croyez savoir, mais vous ne savez rien. Maintenant, voilà la grande question : pourquoi diable font-ils ça ?

J’ai plusieurs théories :

1 – Pour assurer la reproduction de l’espèce

Soyons francs, dire la vérité sur ce que c’est que porter un enfant,  le faire sortir de soi, puis l’élever diminuerait considérablement les chances de survie du sapiens sapiens sur cette planète, parce que plus personne ne voudrait s’y coller. Les parents, en jetant un voile pudique sur la réalité de leur quotidien, contribuent donc doublement à la perpétuation de l’espèce: consciemment, en mettant en monde des petits d’homme, et inconsciemment, en s’exprimant de sorte à ne dégoûter aucun congénère de se lancer dans la grande aventure de la vie.

The glamorous life

The glamorous life (Photo credit: Houser)

2 – Pour sauver la face

Ils n’ont plus une minute à eux, quand ils ont un peu de temps ils en profitent pour faire les courses ou se laver les cheveux. Ils ne font plus la fête, et quand ils réussissent à sortir, ils sont atteints de cendrillonite aigüe[1] . Ils ont été obligés de remplacer la sainte triade ciné-musée-restau par la moins reluisante trinité télé-square-petits pots. Fini les treks dans l’Himalaya, direction le village-vacances de Belle-Dune.  Ils n’ont plus la force de lire, ils comatent dans leur canap, un verre de vin à la main, pour se remettre de leurs journées marathon. Ils ne vont pas en rajouter et vous avouer qu’ils ont une vie de merde si ?

3 – Par pudeur

Vous évitez de chialer devant tout le monde quand ça ne va pas ? Bon ben vous avez compris le principe…

4 – Par culpabilité

Ils donneraient leur vie pour leurs enfants, c’est un fait. Ils les aiment d’un amour démesuré, incommensurable. Mais pas que. Parfois ils ont très très envie de les balancer par la fenêtre, ou de monter dans une machine à remonter le temps. Et ça, c’est chaud à assumer. Mieux vaut que ce côté obscur reste caché.

5 – Parce ce que ce sont des aliens

Cette catégorie comprend les nanas qui jouissent à accouchant (ça existe, je vous jure).

Et vous, c’est quoi votre théorie ?


[1] à partir de minuit trente trois, ils se transforment en gros relous, à regarder leur montre toutes les dix minutes en pensant à la babysitter qu’il va falloir payer et raccompagner, à l’état dans lequel il seront au réveil de zouzou – entre 6h du mat pour les moins chanceux et 9h du mat pour les cocus.

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