A mort le « it »

C’est pas compliqué, JE N’EN PEUX PLUS !

Et quand j’écris en capitales, c’est que vraiment, je n’en peux plus.

Je reçois une newsletter, je clique : « Les it du moment. » En l’occurrence les expos à ne rater sous aucun prétexte, sinon c’est la honte, veugra. Je me désabonne illico.

Je passe devant ma  boutique de lingerie préférée : « It formes ». Je m’étouffe, je crache, et je jure sur la tête de, allez, Alexa Chung – ça ne mange pas de pain –  de ne plus y mettre les pieds.

Je feuillette un féminin chez le coiffeur : « it collab », « it boutique »… Bon sang, heureusement que ça fait des années que je ne touche plus à cette came en papier glacé.

Tout a commencé chez nous il y a trois, quatre, cinq ans de cela, je ne sais plus (fin des années 20 aux States !). Avec une it girl, ou un it bag dans un magazine. Ou une it girl arborant un incroyable it bag dans ledit magazine peut-être… Au début, je l’ai trouvé rigolo, ce nouveau gimmick. Et puis, comme on me le servait à toutes les sauces, j’ai commencé à être légèrement écoeurée. Je me suis dit que ça allait passer. Mais non. Les rédactrices de mode, les journalistes people, les prescripteurs de tendance ont continué à nous en abreuver, et ne semblent pas près de s’arrêter. Donc là, comme je vous le disais, je n’en puis plus. Ras-le-bol. Au moindre it, je me mets à transpirer abondamment, mon rythme cardiaque s’accélère, et, la bave aux lèvres, je hurle. C’est pas beau à voir, je vous jure…

Mais pourquoi tant de haine pour un simple tic d’écriture, me suis-je interrogée ?

C’est Néon

Anna Wintour (left) & Alexa Chung at the Twent...

Anna Wintour (left) & Alexa Chung at the Twenty8Twelve fashion show (Photo credit: Wikipedia)

qui m’a donné la réponse, dans son fictionnaire du mois d’octobre. Y figurait ce génial néologisme : « fachonista ». Ca a été comme une épiphanie. Voilà ! C’était exactement ça qui m’horripilait dans ce it refusant de passer, tel un atroce hoquet : la dictature de la fashion. Cette révélation, ce moment de grâce ont presque transmué ma profonde irritation en admiration béate. It est le plus court résumé de tout ce bla-bla qui veut nous convaincre qu’il FAUT faire ceci, acheter cela, ressembler à machine et avoir le même sac que truc muche pour être dans le coup, pour être bien. Des ordres réitérés toutes les semaines, tous les mois, toutes les saisons. C’est fort, c’est beau, me voilà bouche bée devant tant de concision et d’efficacité. Un minuscule mot pour exprimer l’impératif de consommation auquel tente de nous soumettre notre chère société de consommation.

Alors oui, on est en démocratie, personne ne me force à feuilleter de magazine féminin, ni à m’abonner à des newsletters, ni même à lever le nez du bitume quand je passe devant une vitrine. Heureusement, parce que j’aime la mode. J’aime l’observer, l’admirer, m’en moquer, m’en inspirer, par PETITES touches. En gros, ne comptez pas sur moi pour enfiler l’uniforme que tant de nénettes s’empressent de porter dès qu’on le leur ordonne (ah ! le tunique-leggings-ballerine, ah le slim-T-shirt rock…), même si ça ne leur va pas forcément, même si TOUTES leurs potes sont habillées pareil. Bref, j’aime la mode, mais je ne suis pas un mouton, et je n’aime pas qu’on s’adresse à moi comme si j’en étais un. Sans déconner. Mes amies, mes sœurs, liberté, liberté chérie, allez quoi !

Pour finir, voici spécialement pour vous trois petits extraits de magazines (je ne citerai pas de noms, ils sont tous pareils les féminins de base):

« Le maquillage à adopter ». Traduction :  it maquillage qui te fera peut-être ressembler à une voiture volée, ou, à l’inverse, à un cadavre, mais c’est comme ça, ne discute pas.

« L’accessoire du moment  : le mini-sac » = it sac dans lequel tu ne pourra rien mettre, mais tant pis pour toi, tu dois absolument l’avoir. Le« must have » de la saison quoi. A méditer, cette expression. MUST. HAVE.

Enfin, « on zappe les pantalons d’homme glissés dans la tige des boots » = ça c’était it l’an dernier, même si tu as kiffé passe à autre chose.

Bon je vais arrêter là moi, je commence à avoir chaud.

Enhanced by Zemanta