Je rampais à quatre pattes sur la moquette tandis que ma grand mère disait son prêche. Autour de moi les femmes, et l’odeur du santal.
Elles me souriaient, de l’index me faisaient signe de venir jusqu’à elles, saisissaient leur sac, objet de toutes mes convoitises, en ouvraient le fermoir d’un geste sûr et en sortaient un bonbon, mon graal.
De mes samedis après-midi à la mosquée, j’ai surtout gardé le souvenir de ces mystérieux sacs à main. Les femmes, elles avaient des sacs à main, et dieu seul savait ce qu’il y avait dedans.
J’ai eu des sacs à main. J’ai rougi mes culottes, avant ça. J’ai porté des jupes puis des robes après m’être cachée sous des pulls amples, j’ai eu des amoureux, j’ai été concubine puis légitime, j’ai enfanté. Ca y était ? J’étais femme ? Pas vraiment. Contrairement à ceux de toutes ces femmes que petite j’observais avec attention, mon sac à main à moi n’avait rien de mystérieux. Un jour j’allai jusqu’à le vider pour essayer de comprendre. A l’intérieur : deux chéquiers d’âges divers, un papier griffonné, une bonnet et des mitaines, un passeport, un ticket de métro trois-quart, un baume à lèvres, un spasfon, un flacon d’huile essentielle, un bouchon de crème solaire, une Chupa Chups et un paquet de Kleenex. « Ca » ne se passait clairement pas là, il fallait chercher ailleurs. Mais où ?
Autour de moi pourtant on me disait que j’y étais. Ma copine Marie me demandait même d’écrire un texte qui lui permettrait de comprendre pourquoi le mot qui lui venait à l’esprit en me voyant danser était « féminité ». J’ai tenté, re-tenté, re-re-tenté et puis j’ai abandonné. En réalité je ne voyais pas ce qu’elle voulait dire et j’ai donc fini par écrire sur la danse et la liberté…
Et puis un jour, j’ai peint. J’ai choisi un rouge corail : quand tu viens de ces îles où le sable est si blanc, comment faire autrement ? J’ai essayé, pinceau pas trop chargé, je me suis appliquée, langue tirée. Ca a bavé, forcément j’ai débordé. J’ai essuyé, du mieux que j’ai pu, et j’ai recommencé. J’ai laissé poser, j’ai regardé et puis ça m’a frappé.
Ma mère. Elle n’avait jamais fait ça. Elle ne me l’avait jamais dit explicitement mais j’avais cru comprendre que ça relevait soit de la faute de goût, soit du mauvais genre. Ces tracés rouges, elle en faisait la lecture muette et moi je lisais sur ses lèvres, sans qu’elle prononce le moindre mot : « V.U.L.G.A.R.I.T.E ». Qui rimait, je m’en suis fait la remarque plus tard, avec « O.B.S.C.EN.I.T.E ».
Plus tard donc, en d’autres lieux, c’étaient d’autres lettres que les pinceaux rouges de mes amies traçaient sous mes yeux. Je n’en déchiffrai pas encore le sens, mais c’était net et troublant à la fois. Je trouvai le dessin beau, mais « ça » n’était pas pour moi.
Jusqu’à ce soir où j’ai vu s’animer devant moi des mains qui ne me semblaient pas être les miennes, les mains d’une femme, aux ongles peints.
#Bientot40pigesputain#NeverTooLate#Botteedecouvrelavie
J’ai adore Asha .
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Merci Dika 🙂
Très joli texte auquel je m’identifie totalement.
Merci Asha
Alors je suis contente!
trop belles toutes ces lignes, à lire et relire….
❤ ❤ ❤