Je me souviens que quand j’étais petite, ma nounou m’avait conseillé de ne jamais me moquer des personnes « différentes » : les trisomiques, les personnes de petite taille ou à mobilité réduite comme on dit aujourd’hui (en essayant d’utiliser les mots d’avant, je me dis que le politiquement correct a parfois du bon) dont je n’avais pourtant aucune envie de rire…
Il ne fallait pas se moquer donc, sous peine de provoquer le courroux du Barbu tout là-haut qui ne manquerait pas de me punir en me dotant, une fois que je serais en âge de procréer, d’une progéniture aux gènes pareillement défaillants.
Avec le recul je me dis que j’aurais préféré qu’elle me donne un autre conseil : Bottée, tu ne jugeras point ton prochain. Jamais.
Oh, au fur et à mesure que les années ont passé j’ai bien compris, que juger c’était mal. Et en bonne élève que j’étais j’ai déployé des trésors de compréhension, de tolérance et d’empathie envers mes congénères. Ou du moins c’est ce que je me figurais.
En réalité, je ne l’ai réalisé que récemment, je n’étais ouverte et tolérante qu’avec ceux qui ne se rendaient coupables que de péchés véniels, ou encore ceux qui avaient l’air d’être dans une démarche d’amélioration continue, pour parler comme nos amis managers. Pour les autres, regard froid et cœur de pierre.
Et puis la vie m’a bien fait comprendre ce que « ne pas jeter la première pierre » signifiait…
Je suis celui-ci, qui sort acheter le pain et ne revient jamais
Je suis celle-là, qui reste enfermée
Je suis le mari volage et la femme rompue, je suis la femme adultère et le mari cocu
Je suis folie de la mère, impuissance de l’enfance
Je suis le vieux lifté et la vieille botoxée
Je suis la playmate nue et la femme voilée
Je suis le suicidé et l’ami éploré
Je suis le bourreau et je suis la victime
Je suis la peur et je suis l’envie,
Je suis la peine et puis la jalousie
Je suis la dépendance, la faiblesse et la lâcheté, je suis l’humanité.
Je ne juge plus personne,
Personne d’autre que moi.