Saloperies de feuilles mortes

Il fut un temps où il faisait beau, je m’en souviens encore. Le soleil brillait, il faisait doux, il faisait bon. Dans la rue les yeux des gens me souriaient. Je pleurais oui, il semblerait que mes joues aient  besoin d’être irriguées quelle que soit la saison, mais il s’agissait alors de larmes au goût de miel qui coulaient quand, passant du souterrain à l’aérien, le métro me révélait par ses fenêtres entrouvertes la vibration particulière des ciels d’été, le frémissement des feuilles de peuplier. « Profite-en, je me disais, ça ne va pas durer ».

Je profitais, donc. Je dansais et je riais, et le temps passait. Les premières feuilles mortes assombrissaient par endroits le vert éclatant du gazon que foulait allègrement ma tribu de cœur, celle des danseurs à ciel ouvert. Qu’importe. Toute à mon ivresse, j’ignorais ces feuilles de mauvais augure. Quand j’y repense, c’est sans doute à ce moment que tout a basculé. J’aurais dû rentrer, m’assurer que j’avais ce qu’il fallait chez moi : des bottes (des bottes, bon sang !), un parapluie, des vêtements chauds… Mais j’ai  continué à virevolter, pieds nus, incapable de m’arrêter.

img_4287A présent me voici transie sous la pluie. Elle coule du ciel et de mes yeux, et semble ne plus vouloir cesser. Je marche en essayant d’éviter les flaques mais j’ai les pieds et le cœur trempés. Ce qui en terme d’humidité n’est pas si mal, quand je repense à cette fois où je suis tombée dans un étang glacé. Œsophage, trachée, l’eau s’est lentement infiltrée, cage thoracique inondée, sur le point d’imploser, boyaux submergés. Point de suspense ici, si j’écris c’est que je m’en suis sortie, mais j’ai compris, ce jour là, la force de cette douleur qui en envoie plus d’un par le fond.

Depuis, chaque jour est consacré à essayer de surnager. Les yeux rivés à l’horizon, j’attends de pouvoir à nouveau fouler la terre ferme. Oh, je ne m’ennuie pas, loin de là. Mon cerveau me tient compagnie, il a de la conversation le bougre. On parle de tout un tas de choses… De vie, d’amour, de mort. De responsabilité, des prisons que l’on se crée, de liberté. Des principes de plaisir et de réalité. De samskaras, de samsara, de nirvana. De courage, de peur, de lâcheté. De dépendance, d’attachement, de non attachement. De la différence entre l’acceptation et la résignation. Du bien-fondé de l’action, ou pas. Des erreurs, et de leurs conséquences…

Je l’aime bien mon cerveau, il sait manier les concepts, mais je le soupçonne de ne pas vouloir que mon bien. Cette habitude qu’il a depuis quelques temps de me tenir éveillée jusqu’aux premières non-lueurs de l’aube automnale par exemple… Ou de me réveiller toutes les heures, certaines nuits, avec la précision et la régularité d’une horloge suisse. Je me demande parfois si lui et moi ne sommes pas entrés dans une relation sado-maso, il semble prendre plaisir à me voir souffrir. Et moi, se pourrait-il que j’aime cette souffrance, se pourrait-il que je m’y complaise ? L’hypothèse me soulève le cœur, il va falloir que j’y réfléchisse davantage. Que j’y réfléchisse ? Mais alors mon cerveau va encore me vider de toute mon énergie, cette énergie dont j’ai besoin pour réussir à surnager. Que faire pour qu’il se taise ? Méditer. J’essaie un peu tous les jours, parfois ça marche, et parfois pas. Alors je cherche autre chose pour réussir à me libérer – au moins pour quelques instants – de ce compagnon un peu trop collant.

J’ai trouvé deux-trois trucs que je te livre comme ça… On ne sait jamais, s’il t’ arrivait toi aussi de dériver en ce magnifique mois de novembre riche en réjouissantes nouvelles.

Les selfies. Mais oui ! L’ennemie jurée des selfies a enfin trouvé une utilité à cette étrange pratique contemporaine. Tu déprimes, tu ne peux plus t’arrêter de pleurer? Prends ton téléphone et prends un selfie. Regarde-le, ça fait un autre effet que de se voir dans un miroir, je te jure. Regarde-le, regarde-toi, vois cette mine défraîchie, ces yeux bouffis. Soudain tu sors de ton cœur, tu sors de ton corps, tu te souviens que tu es un être humain parmi des milliards qui s’affairent, qui pleurent, qui rient, qui meurent sur cette minuscule planète perdue dans l’univers. Et tu souris. A peine, mais quand même.

Les parisiennes à vélo. Je parle des parisiennes parce que je ne connais que ça, ça marche sans doute avec les rennaises et les niçoises hein. Sors. Marche. Observe les gens, chope leur regard. Déjà tu te sentiras un peu moins seul(e). Et puis une parisienne à vélo finira par passer, et tu te souviendras que la vie peut etre belle.

La danse. Je parle de danse parce que je ne connais que ça. Mais n’importe quel sport fera l’affaire, en fait. Sollicite et nourris d’autres muscles que celui qui se cache dans ta boite crânienne. Tu vas produire des hormones qui te feront du bien. #TousDrogués.

La famille, les amis. Ok, toute musique te fait chialer, ok, tu te fiches de ce qu’il y a dans ton assiette, mais arrange toi pour retrouver ceux que tu aimes et qui t’aiment pour un verre, un thé, n’importe quoi. Leur présence, leur écoute, leurs rires t’aideront à te sentir plus léger(e). #LoveIsTheAnswer.

La sagesse des grands sages. Tu n’es ni le premier ni la dernière à traverser une période de merde. Tu sais ce que dit le grand sage, qui a dû en voir (et en bouffer) des vertes et des pas mûres ? This too shall pass. Ca non plus, ça ne va pas durer.

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