Brèves de comptoir

Une brasserie en gare d’Angoulême.

Deux papys, peau tachetée par les années, poils au nez (pour de vrai).

Attablés, ils bavardent devant un café. Deux vieux potes, qui semble-t-il se sont retrouvés sur Copainsdavant. Ca paraît dingue, ils ont au moins 80 piges ! Du coup, malgré mon boulot en retard, je tends l’oreille, intriguée. A qui ai-je affaire?  Deux retraités branchés ? Deux maîtres Yoda made in terroir ? Deux veufs en goguette ? Ecoutez donc…

– « Au, fait, qu’est devenu Fetis ?

– Ah lui, il avait fait radiologie.

– A l’université il y a beaucoup de nègres maintenant tu sais. Des nègres et des niakoués.

– Moi je pense être le dernier à avoir liquidé ma clientèle et ma maison.

– Que veux-tu mon vieux, on se dirige vers la fosse…

– C’est sûr que ça fait des médecins en moins. Ils nous parlent de désertification médicale, mais les commerces, les artisans, les boulangeries, tout ferme. Maintenant on a Carrefour. Dans mon coin il nous reste deux boulangeries, un bureau de tabac, une mercerie. Et Carrefour, qui fait aussi la charcuterie et la boucherie.

– Nous a Intermarché, ça revient au même.

– A part ça c’est que des banques.

– …

– Dis donc l’autre jour en rentrant au restaurant je me suis foutu par terre, ça faisait longtemps que ça m’était pas arrivé.

– Tant qu’à faire, autant se casser la gueule dans un lieu public, au moins y’a du monde pour appeler l’ambulance.

– C’est sûr. Mes premiers voisins sont à deux kilomètres.

– Mais tu te feras assassiner !

– Bah, l’alarme, je l’ai…

– Ma femme l’a aussi.

– Le problème c’est que quand on l’a autour du cou la portée est très limitée. A propos de femme, la mienne  a maintenant son lit mécanisé dans la pièce qui nous servait de salon.

– Ca doit pas être drôle tous les jours. Veux-tu que je t’emmène chez nous à la campagne ? Ca te changera d’air. Je te prêterai une chemise de nuit ».

 

Bon ben en fait, c’était juste deux pauv’ vieux, reliques d’un autre temps, derniers survivants d’une certaine campagne française dont le pouls ralentit de plus en plus, et qui ne vont pas, eux non plus, tarder à casser leur pipe. Une fin de vie triste comme un champ gelé l’hiver, avec à côté une zone industrielle, vous savez, ces trucs tout en algeco…

Et puis, deux voix en moins pour Marine, aussi.

7 commentaires

  1. Monzies · mars 27, 2015

    Bon faut pas oublier que la campagne c’est pas que ça non plus… Il y a de plus en plus de jeunes gens dynamiques qui vont y vivre pour le plaisir de kiffer une vie au ralenti…

  2. Monzies · mars 27, 2015

    Mais bon je connais cette réalité là aussi, Asha, je sais…

    • Asha Bottée · mars 27, 2015

      Ben oui, je sais que c’est pas que ça et heureusement. C’est pour ça que je parle « d’une certaine France des campagnes ».

      • Asha Bottée · mars 27, 2015

        heu « une certaine camapagne française »

  3. Monzies · mars 27, 2015

    Comme vous j’ai ouï qu’il fallait avancer, toujours.
    Mais que voulez-vous, il y a des routes partout,
    Des chemins par centaines, du goudron, des pavés…

    Ne sachant où aller, j’ai joué les mauvaises graines.
    Plutôt que de rester plantée, j’ai flâné au gré du vent,
    A la recherche d’un espace ouvert.

    A l’âge ou la plupart se ruaient vers la pierre,
    J’ai poussé à travers champs, au milieu des cailloux,
    Loin des trottoirs, les deux pieds sur terre.

    Il parait que c’est la guerre partout:
    A l’heure où tout tremble, je frémis
    Au son du bourdon qui me fait l’amour.

  4. Monzies · mars 27, 2015

    😉

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